Art Digital vs Art Traditionnel : le premier dévorera-t-il le second ?

Art numérique versus art traditionnel : l’un sonne-t-il la mort de l’autre ?

Le web, les smartphones, les réseaux sociaux ont envahi non seulement notre quotidien, mais également la sphère artistique. Réalité augmentée, photographie, vidéo : on n’en finit plus de découvrir tout le potentiel des œuvres générées informatiquement ! De quoi faire redouter aux peintres, sculpteurs ou dessinateurs un bouleversement total de l’Art, entendu au sens classique. Et pour couronner le tout, les intelligences artificielles et les NFT s’en mêlent ! Alors, artistes et esthètes ont-ils à craindre pour leur créativité ? La numérisation des outils serait-elle le loup qui sort du bois ? L’art digital et l’art traditionnel seront-ils encore conciliables dans un futur proche ou l’un serait-il le prédateur de l’autre ? Penchons-nous sur cette brûlante actualité et prenons-la dès maintenant à bras-le-corps !

Art digital contre art traditionnel : quelques distinctions pour ne pas s’emmêler les crayons

Avant de pouvoir trancher l’épineuse question de l’avenir de l’art, à une époque où la société entière se digitalise, mettons les pieds dans le plat (ou plutôt les pinceaux dans la peinture !) en différenciant les deux protagonistes de notre affaire. 

Les Beaux-Arts : une palette d’activités plastiques… mais pas que !

Qu’entend-on exactement par « art traditionnel » ? Pour définir ce terme parfois galvaudé, impossible de passer à côté des Beaux-Arts, auxquels il est communément associé. Et pour cause : en le restreignant à la peinture ou au dessin, on a souvent en tête la représentation de l’artiste devant sa toile, soucieux des proportions. Il reproduit un paysage en aquarelle ou s’adonne aux plaisirs du fusain. On imagine aussi volontiers l’illustrateur penché sur sa table de travail, préparant une planche de bande dessinée. Ce serait bien mal les connaître, car les Beaux-Arts sont loin de se réduire à un tel tableau. Il s’agit en vérité d’une grande famille qui regroupe, entre autres, des disciplines aussi diverses que : 

  • l’architecture ;

  • la sculpture ;

  • les arts graphiques (y sont rangés la fameuse peinture, le dessin, la BD…) ; 

  • la musique ;

  • le spectacle (la danse, le théâtre, le mime) ; 

  • le monde de l’image fixe ou en mouvement. 

Vous avez dit « image en mouvement » ? Alors le cinéma et la télévision font partie des Beaux-Arts, tout comme… les arts numériques. Aïe aïe aïe… L’affaire se corse ! D’où la nécessité de bien poser les bases. 

🖌️Envie de créer une œuvre qui vous ressemble ? Aline le fait avec vous 

L’art numérique : portrait d’une discipline toute en nuances 

Mettons fin dès maintenant à un stéréotype qui a la vie dure : contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’art numérique n’a rien de récent. Dans les années 50, déjà, et un peu plus tard dans les années 70, les nouvelles technologies éveillaient l’intérêt de nombreux artistes, au point qu’il est désormais riche de plusieurs branches. Parmi elles, citons : 

  • La peinture numérique, rendue possible grâce à l’informatique. À l’aide de logiciels de modélisation et de tablettes graphiques, les artistes ont entre leurs mains une étendue de techniques absolument fantastiques, qui leur permet de reproduire une multitude d’effets spéciaux. Ils créent collages, couleurs, motifs, illusions d’ombres et de lumière. Ils retouchent, transforment, modifient, et tout cela grâce à la technologie digitale. 

  • La photographie numérique, qui peut être employée par les artistes comme biais de déformation de la vérité. Grâce, entre autres, à des scans ou à des images satellites, ils procèdent à la torsion d’une photographie en opérant par assemblage d’éléments. En 2014, le musée Andy Warhol de Pittsburgh, aux États-Unis, retrouve des disquettes contenant des œuvres réalisées sur ordinateur par le roi du Pop art en 1985. Quand nous vous disions que le numérique ne datait pas d’hier ! 

  • La sculpture digitale, merveilleuse façon pour les artistes de façonner leurs idées les plus folles. Repoussant de très loin le champ de la conception traditionnelle, ils élaborent leurs créations par le biais de logiciels spécifiques et leur donnent vie en tirant profit de l’impression 3D. 

  • Les vidéos, l’animation et les images en mouvement, pour une expérience du spectateur toujours plus immersive. Comment ne pas évoquer la réalité augmentée dans cette catégorie ? Elle incarne typiquement le mélange du virtuel et du réel, jouant avec l’espace et le temps par l’intermédiaire d’un casque, d’un écran, ou (et les geeks s’en réjouiront !) par l’utilisation de capteurs de mouvements pour une plongée totale dans les logiciels d’animation. 


Faisons-nous désormais l’avocat du diable : certes, l’art traditionnel est d’une valeur inestimable. Certes, il fait partie intégrante de notre patrimoine culturel, nécessaire et inébranlable. Mais au regard de la place prépondérante prise par les arts numériques et du potentiel créatif extraordinaire qui s’en dégage, ces derniers ne seraient-ils pas littéralement en train de dévorer tout cru les activités plus artisanales, telles que la peinture, le dessin ou encore la sculpture classique ? 

Artistes et musées s’emparent de l’art digital : un tournant à graver dans le marbre

Évoquons désormais le numérique en tant qu’objet d’art à part entière. Pour développer cette approche, il est incontournable d’aborder la question du cryptoart, qui rebat les cartes du marché de l’art en introduisant la notion de « propriété numérique » et donc… celle de « rareté » ! Cette tendance connaît un engouement certain et bouleverse le monde des amateurs d’art. Attardons-nous un instant sur les NFT, acronyme barbare qui semble venu de l’espace.

Les NFT : un dispositif d’identité numérique reposant sur la blockchain

De l’anglais non-fungible token, qui signifie jeton non fongible, les NFT permettent l’authentification, la propriété et l’infalsifiabilité d’un objet immatériel par l’attribution d’un jeton numérique propre et unique. Ils font partie d’une blockchain, une technologie de stockage et de transmission d’informations que le mathématicien Jean-Paul Delahaye compare à : « un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible ». Ce système possède l’immense avantage d’être décentralisé, de sorte à favoriser la rapidité des transactions sous la forme d’un smart contract. Autre point non négligeable : il protège les œuvres et leurs propriétaires des fraudes. 

Les acteurs de la sphère artistique en pâmoison devant les NFT

Surfant sur la vague du numérique et de la cryptomonnaie, de nombreux artistes, déjà présents sur les réseaux sociaux (notamment Instagram), ont très vite saisi l’intérêt des NFT. Il faut dire que grâce à eux, il est possible d’acquérir un peu tout et n’importe quoi, pourvu qu’il s’agisse d’un fichier numérique. Au-delà d’adorables clichés de chatons, on peut par exemple devenir propriétaire d’une carte collectionnée ou… d’une vidéo ! La NBA a mis en vente une collection de vidéos des plus grands moments du basketball. Quant au groupe Kings of Leon, ils ont carrément proposé à l’achat une version limitée de leur dernier album. Vous l’aurez compris : dans l’univers des NFT, il n’y a plus qu’à faire son petit marché ! 

Dans le domaine artistique, the First 5 000 Days de Beeple était vendu 69,3 millions de dollars en 2021, sur le site de la maison de vente aux enchères Christie’s… Une véritable fortune ! Au point de faire de l’heureux veinard le troisième artiste le plus cher après Jeff Koons et l’immense David Hockney. De nombreuses plateformes dédiées à l’achat et à la vente de NFT se sont mises à pousser comme de véritables champignons. Elles s’appellent Nifty Gateway, OpenSea ou Rarible… et ont de beaux jours devant elles, surtout quand elles trouvent de nouveaux compagnons de jeux, nous avons nommé : les musées ! 

Le tout nouveau point de rencontre du virtuel et du réel : les musées 

Si le Seattle NFT Museum, aux États-Unis, était déjà totalement consacré aux NFT, cela n’était pas le cas en France… jusqu’à ce que le Centre Pompidou à Paris se lance lui aussi ! Au travers d’une collection de 18 projets témoignant d’une « appropriation créative et critique d’une nouvelle technologie », Marcella Lista et Philippe Betinelli, tous deux conservateurs du musée, ont souhaité mener « une réflexion singulière sur l’écosystème de la cryptoéconomie et ses incidences sur (…) les contours de l’œuvre d’art. ». Cette exposition, qui se tiendra jusqu’au mois de janvier 2024, viserait par conséquent à interroger le spectateur sur le « déplacement de l’écosystème de l’art ». Un vaste programme, qui en dit long sur l’avènement des arts numériques ! 


🎨Et si vous découvriez une Mona Lisa 2.0 pour vous faire votre propre avis ? 

L’intelligence artificielle : une créativité basée sur des algorithmes

Car il existe une autre puissance, et non des moindres, qu’il faut compter dans les rangs de l’art digital : l’intelligence artificielle générative et ses algorithmes redoutables. Vous en avez forcément entendu parler, puisqu’elle est sur toutes les lèvres et dans tous les médias. Capable de créer des textes (bonjour Chat GPT !), elle est également apte à créer des images d’une qualité bluffante ! 

Des œuvres générées sur commande… parfois difficiles à voir en peinture

Vous appréciez Monet, vénérez Van Gogh ou tombez à genoux devant des œuvres de Klimt ? En maîtrisant les prompts, vous pourriez créer des tableaux dignes des plus grands artistes, du mouvement impressionniste au cubisme, en passant par toute une gamme de styles. Mais qu’est-ce qu’un prompt ? On désigne par ce terme des mots clés ou des phrases courtes qui permettront à l’IA de générer une image selon vos consignes. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un code ultra détaillé. Il est désormais à la portée de Monsieur et Madame Tout-le-Monde d’élaborer des œuvres au visuel impressionnant, pourvu qu’ils se soient formés au maniement des prompts. Alors si les novices peuvent obtenir de bons résultats, que dire des artistes ?


En août 2022, aux États-Unis, dans l’État du Colorado, Jason Allen a remporté le concours de la Colorado State Fair dans la catégorie art numérique. Parmi les 3 œuvres qu’il avait choisi de soumettre au concours, Théâtre d’opéra spatial a charmé l’assemblée par son côté baroque, mais aussi extrêmement futuriste. Le talent, nous direz-vous. Non : l’intelligence artificielle. Car c’est grâce à Midjourney, un logiciel bien connu du milieu des fans de l’IA, que son tableau a été créé : en construisant un prompt très cadré (et en se contentant donc d’instructions orales !), il est parvenu à tirer profit de toutes les données déjà en ligne, qui constituent les sources de base utilisées par le logiciel. Et des comme Midjourney, il y en a d’autres, parmi lesquels DALL-E et Stable Diffusion. Ces trois-là ont mis en route une petite révolution puisqu’ils sont accessibles au grand public… De quoi bouleverser le rapport à la créativité, en la rendant accessible au plus grand nombre !

L’intelligence artificielle : une puissance artistique qui fait des remous 

La victoire de Jason Allen lors de la Colorado State Fair est loin d’avoir fait l’unanimité. Très vite, certains ont crié au scandale : comment considérer ce tableau comme de l’art quand un prompt l’a commandé ? Ce soi-disant artiste n’était-il pas en train de duper tout son monde, lui qui n’avait même pas touché à un pinceau ? Au-delà des émotions suscitées par ce succès, se pose en effet une vraie question : le recours de l’IA doit-il être accepté comme un partenaire de créativité acceptable pour l’artiste ? 

Il n’existe pas de réponse tranchée à cette question. On peut tout de même argumenter que la créativité est l’aptitude à combiner, à élaborer des concepts jamais imaginés encore, à établir des analogies. Elle réside aussi dans notre capacité à nous connecter au patrimoine de l’Art tout en y apportant nos propres touches, notre propre subjectivité… Le tout en faisant un usage des outils à notre disposition de façon très personnelle. Alors, entre art digital et art traditionnel, faut-il vraiment choisir ? 

Le recours à l’IA dans l’art : quelques risques à mettre en perspective


Attention toutefois ! Puisqu’une IA ne fonctionne qu’à partir de ressources déjà existantes, on pourrait tout à fait envisager qu’elle se retrouve vite « à tourner en rond » : elle utilisera des données plutôt très communes, présentes en ligne en abondance, d’où son éventuelle incapacité à se renouveler. Il y aurait par conséquent fort à parier qu’elle s’avèrerait inefficace en matière d’innovation : un comble quand on prétend se faire le chantre de la créativité ! 


De plus, l’utilisation par Chat GPT d’une API (interface de programmation d’application) visant à modérer, voire bloquer, certains types de contenus jugés dangereux pourrait se répandre et réduire le champ des possibles. Tout comme Facebook, jugerait l’image d’une femme allaitant son enfant inappropriée, les API pourraient bannir les images considérées pornographiques, haineuses, voire violentes. Cela signifierait-il, par exemple, que les artistes ne pourraient plus représenter une scène de bataille ? Que serait devenu le tableau Guernica de Picasso s’il avait été généré à l’aide d’une IA et modéré par une API ? Ce chef-d’œuvre aurait-il seulement pu voir le jour ? 



Les arts numériques ont joué des coudes pour se faire une place sur le marché de l’art. Au point qu’aujourd’hui, peinture, dessin ou encore sculpture ont face à eux de sérieux concurrents ! L’intelligence artificielle et les NFT leur ont en effet donné davantage de force, au point de faire vaciller l’équilibre établi. Est-ce pour autant qu’art digital et art traditionnel vont se trouver incapables de cohabiter ? Et si nous en revenions simplement aux fondements de l’art en lui-même ? Le Larousse nous le dit, l’Art est avant tout une : « Création d’objets ou de mises en scène spécifiques destinée à produire chez l’homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir esthétique ». Alors, l’émotion ne devrait-elle pas primer, au-dessus de tous les débats et de toutes les querelles ?


Marion DESHAYES, pour Aline my Art


Sources :

Les arts numériques, CAÏRN.INFO

Tout comprendre à l’art à l’ère digitale, Beaux Arts

Le Centre Pompidou passe à l’heure NFT, Centre Pompidou

Qu’est-ce qu’une chaîne de blocs (blockchain) ?, Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique

Un tableau créé par une intelligence artificielle fait polémique en gagnant un concours d’art, BFM

Aline Chevalier

Passionnée depuis toute petite par la création manuelle, sa fibre artistique n'a cessé de s'accroitre pendant ses études et sa vie professionnelle. Aujourd'hui, elle consacre son temps à l’art.

À l’aide de pochoirs, elle imprime des supports papier de plusieurs couches de peinture. Elle aime les couleurs vibrantes. Son approche technique consiste à découper et coller ces papiers imprimés sur toile. En utilisant des encres, des marqueurs et de la peinture acrylique, elle élabore des œuvres uniques.

L'inspiration vient de ses séjours prolongés dans divers pays.

Très attirée par l’architecture, elle compose des représentations de villes où rien n’est conventionnel, ni les formes ni les couleurs et pourtant on peut reconnaître l’atmosphère d’une ville.

D’autres fois, elle préfère le regard animal, libre et indomptable qu'elle essaye d’exprimer dans ses représentations animales. L’indocilité des animaux sauvages la fascine.

Ses compositions sont gaies et dynamiques, où le regard flâne comme on découvre un nouveau lieu.

Passionate since her childhood by the creation of handicrafts, her artistic fiber has never stopped growing during her studies and her professional life. Today, she devotes her time to art.Using stencils, she prints paper supports with several layers of paint. She loves vibrant colors. Her technical approach is to cut and paste these printed papers onto canvas. Using inks, markers and acrylic paint, she creates unique works.Her inspiration comes from her extended stays in various countries. Very attracted by architecture, she composes representations of cities where nothing is conventional, neither the forms nor the colors and yet one can recognize the atmosphere of a city.At other times, she prefers the animal look, free and untamed, which she tries to express in her animal representations. The indocility of wild animals fascinates her.Her compositions are cheerful and dynamic, where the gaze wanders as one discovers a new place.

https://alinemyart.com
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